L’Everest est devenu une destination de rêve pour les alpinistes du monde entier. Toutefois, cette attraction a engendré un problème majeur : la sur fréquentation.
Avec des milliers de grimpeurs chaque année, la montagne fait face à une pression sans précédent, non seulement sur son écosystème fragile, mais également en termes de gestion humaine.
Cet article analyse les effets néfastes du tourisme de masse sur l’Everest, examine les défis de pollution et propose les solutions qui pourraient aider à préserver ce sommet légendaire.
L’Everest et l’essor du tourisme de masse
Culminant à 8 848 mètres, c’est la plus haute montagne du monde. Depuis sa première ascension réussie en 1953 par Sir Edmund Hillary et Tenzing Norgay, L’Everest est devenu une destination emblématique non seulement pour les alpinistes professionnels, mais aussi pour les amateurs qui veulent ajouter à leur palmarès le « toit du monde ». Au fil des décennies, les progrès technologiques, l’essor des agences spécialisées en expéditions, et une plus grande accessibilité financière ont ouvert les portes de cette montagne à un large éventail de grimpeurs. Cette tendance a vu son apogée dans les années 2010, avec plus de 800 ascensions réussies par an.
Cependant, cet afflux massif de grimpeurs, souvent sans expérience significative en haute montagne, pose plusieurs problèmes. L’une des conséquences les plus visibles est la formation de véritables embouteillages sur les chemins d’ascension. En mai 2019, une image devenue virale montrait une longue file d’attente de grimpeurs bloqués à quelques mètres du sommet. Cette congestion est dangereuse non seulement en raison des risques d’hypoxie et des conditions météorologiques extrêmes, mais aussi à cause des interactions humaines : les alpinistes affrontent souvent de longues attentes dans la zone de la ‘mort’ (au-delà de 8 000 mètres), où les réserves d’oxygène s’épuisent rapidement.
La pollution et ses conséquences sur l’environnement
L’une des conséquences les plus alarmantes de la surfréquentation de l’Everest est la pollution, à la fois environnementale et humaine. Chaque année, les expéditions génèrent des tonnes de déchets. Les camps de base, particulièrement ceux du versant sud au Népal, deviennent de véritables dépotoirs. On y trouve des bouteilles d’oxygène usagées, des tentes abandonnées, du matériel cassé, et des emballages alimentaires. Entre 2008 et 2019, plus de 50 tonnes de déchets ont été collectées sur les pentes de la montagne.
L’impact écologique est d’autant plus important que les conditions extrêmes de l’Everest ralentissent considérablement la décomposition des matériaux. Les plastiques, les métaux et autres produits chimiques mettent des centaines d’années à se dégrader dans cet environnement froid et sec. En plus des déchets solides, il y a également le problème des excréments humains. L’altitude et les températures très basses rendent difficile la gestion des déjections humaines, qui s’accumulent et polluent les rivières qui alimentent les populations locales.
La fonte des glaciers, exacerbée par le changement climatique, expose de plus en plus les traces du passage humain, rendant encore plus pressante la nécessité de trouver des solutions pour gérer cette pollution.
Les mesures mises en place pour réguler l’afflux de grimpeurs
Les autorités népalaises et tibétaines ont mis en place plusieurs mesures pour tenter de réguler l’afflux de grimpeurs et limiter les impacts environnementaux face à cette situation préoccupante
Restrictions sur les permis d’ascension
L’une des premières initiatives prises par le Népal et la Chine a été de restreindre le nombre de permis d’ascension. En 2019, le Népal a délivré 381 permis pour l’Everest, tandis que la Chine a fixé un plafond à 300 pour le versant nord. Ces restrictions visent à limiter le nombre de personnes sur la montagne à un moment donné, afin de réduire les embouteillages dangereux et la surcharge des infrastructures.
Néanmoins, ces restrictions sont souvent critiquées pour leur inefficacité. En raison de la brièveté de la fenêtre météo favorable (généralement deux à trois semaines par an), même avec des restrictions, plusieurs centaines de personnes tentent d’atteindre le sommet en même temps, créant des goulots d’étranglement à des points critiques de l’ascension.
L’obligation de ramener les déchets
Une autre mesure importante mise en place est l’obligation pour chaque grimpeur de redescendre avec une certaine quantité de déchets, souvent calculée en fonction de son propre poids. Les autorités népalaises imposent désormais une caution d’environ 4 000 dollars par personne et ne la restituent que si les grimpeurs rapportent au moins 8 kg de déchets. Cette politique vise à encourager la prise de conscience écologique parmi les grimpeurs et à alléger la charge de nettoyage pour les sherpas et autres équipes locales.
En 2014, une grande campagne de nettoyage a permis de collecter près de 12 tonnes de déchets sur les pentes de l’Everest. De telles initiatives se poursuivent régulièrement, mais elles ne suffisent pas à enrayer le problème de la pollution persistante.
Encourager les expéditions responsables
De plus en plus d’agences d’expéditions adoptent une approche « éthique » de l’alpinisme, en mettant l’accent sur la responsabilité environnementale. Certaines expéditions s’engagent à emporter tout leur matériel, y compris les excréments humains, en redescendant. D’autres investissent dans des solutions innovantes comme des toilettes portables ou des sacs biodégradables spécialement conçus pour l’altitude.
Ces initiatives, bien qu’encore rares, témoignent d’une prise de conscience croissante au sein de la communauté des grimpeurs et des agences. Cependant, elles doivent être généralisées pour avoir un impact significatif.
Quelles solutions pour l’avenir ?
Malgré les efforts déployés, la surfréquentation de l’Everest reste un défi majeur. Plusieurs solutions pourraient être envisagées pour mieux protéger ce joyau naturel.
Limiter drastiquement les permis d’ascension
Un contrôle plus strict du nombre de permis délivrés, en accordant la priorité aux alpinistes expérimentés, pourrait réduire le nombre de grimpeurs inexpérimentés et imprudents. Cela permettrait de diminuer les embouteillages et les accidents mortels, tout en limitant la production de déchets.
Étendre les campagnes de nettoyage
L’organisation de campagnes de nettoyage régulières, impliquant non seulement des sherpas mais aussi des volontaires internationaux, pourrait permettre de maintenir les pentes de l’Everest plus propres. Des incitations financières ou des récompenses symboliques pourraient encourager davantage de personnes à participer à ces initiatives.
Investir dans des infrastructures durables
On pourrait envisager d’installer des camps permanents équipés de solutions écologiques pour la gestion des déchets, de l’eau et de l’énergie. Des professionnels formés géreraient ces installations, réduisant ainsi la dépendance aux infrastructures temporaires, souvent mal entretenues, des expéditions actuelles
Éducation et sensibilisation
Enfin, une sensibilisation accrue des alpinistes à la fragilité de l’écosystème de l’Everest est essentielle. Il est impératif que les agences d’expéditions, les guides et les gouvernements locaux promeuvent des pratiques responsables. La gestion durable de la montagne passe par une conscientisation collective, et par l’adoption d’un code éthique de la part de tous ceux qui souhaitent gravir ce sommet légendaire.
L’Everest est plus qu’un défi sportif, c’est un symbole de la beauté et de la fragilité de notre planète. La surfréquentation de cette montagne emblématique a révélé les conséquences du tourisme de masse sur les écosystèmes et la santé humaine. Bien que des mesures aient été mises en place pour tenter de limiter ces effets, il reste encore beaucoup à faire pour préserver l’Everest pour les générations futures. Les solutions existent, mais elles nécessitent une coopération entre les gouvernements, les agences d’expédition et les grimpeurs eux-mêmes, afin de garantir que le « toit du monde » demeure un sanctuaire pour l’alpinisme et la nature.