Le gaspillage alimentaire est l’un des paradoxes les plus frappants de notre époque : alors que des millions de personnes souffrent de la faim, près de 30 % de la production alimentaire mondiale finit à la poubelle.
Les industriels, qui jouent un rôle clé dans la chaîne de valeur, sont de plus en plus pointés du doigt pour leur contribution à ce problème. Mais si certaines initiatives émergent, elles ne sont pas toujours purement volontaires : la législation pousse également les acteurs du secteur à revoir leurs pratiques.
Les chiffres alarmants du gaspillage alimentaire industriel
Avant même d’atteindre les rayons des supermarchés, une grande quantité de nourriture est gaspillée au stade de la production, de la transformation ou du transport: que c soit des surplus de production, non adaptés à la demande, des aliments rejetés pour des raisons esthétiques ou normatives (calibres, forme, taille) ou bien des produits proches de leur date de péremption, invendus en magasin.
À l’échelle industrielle, ces pertes représentent des coûts financiers et environnementaux considérables.
Face à cette situation, plusieurs pays ont instauré des lois pour obliger les industriels à limiter leurs déchets alimentaires :
- En France : La loi Garot (2016) impose aux grandes surfaces de redistribuer leurs invendus alimentaires encore consommables à des associations caritatives. Cette loi a d’ailleurs inspiré d’autres pays en Europe.
- Objectifs de réduction de l’UE : Dans le cadre du Pacte vert européen, les États membres s’engagent à réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2030.
- Obligations de traçabilité : Les entreprises doivent désormais justifier la destination de leurs surplus alimentaires.
Bien que ces réglementations forcent les industriels à adopter des solutions, sous peine de sanctions financières ou de pertes d’image, elles ne sont pas suffisantes car en 2023, les industries agroalimentaires représentaient environ 20 % du gaspillage alimentaire total en France.
Les initiatives pour réduire le gaspillage alimentaire : entre obligation et opportunisme
Si les grandes marques communiquent souvent sur leurs efforts en faveur de la lutte contre le gaspillage, il est important de souligner que beaucoup de ces initiatives sont des réponses aux contraintes législatives.
On retrouve parmi ces initiatives les plus courantes:
- La redistribution des invendus : De plus en plus d’industriels travaillent avec des associations comme les Banques Alimentaires, mais ce geste est souvent encouragé (voire imposé) par la législation.
- La transformation des surplus : Des produits comme les soupes ou jus à base d’invendus alimentaires ont vu le jour, répondant à des obligations de valorisation des déchets.
- L’optimisation logistique : Sous la pression des normes, les chaînes d’approvisionnement se modernisent pour limiter les pertes en cours de route.
Mais ces efforts deviennent plutôt un déplacement du gaspillage qu’une réelle solution au problème de fond. De plus, ces initiatives restent encore marginales face à l’ampleur du problème.
Des campagnes de publicité engagées:
Certains acteurs de la grande conso optent pour une approche différente en lançant des campagnes publicitaire:
C’est le cas par exemple d’Intermarché, qui a marqué les esprits avec sa campagne « Inglorious Fruits and Vegetables » (”Les fruits et légumes moches”) qui met en avant les fruits et légumes jugés inesthétiques. Cette initiative vise à lutter contre le gaspillage alimentaire en proposant ces produits à des prix réduits, prouvant qu’ils sont tout aussi savoureux. Accompagnée d’une communication humoristique et impactante, cette campagne a sensibilisé le public et renforcé l’engagement écologique des consommateurs.
Malgré les initiatives prometteuses mises en place par les industriels et distributeurs, le gaspillage alimentaire reste un défi majeur. Beaucoup de solutions, comme les dons ou la valorisation des invendus, se concentrent davantage sur la gestion des surplus que sur leur prévention à la source. Par ailleurs, des pratiques comme l’upcycling ou les campagnes de sensibilisation, bien qu’efficaces sur le plan médiatique, ne compensent pas toujours les impacts environnementaux liés à la surproduction. Enfin, certaines marques se heurtent à des contraintes financières ou logistiques, ralentissant leur transition vers des modèles réellement durables.
Vers une responsabilité collective
Bien que les lois et la pression réglementaire aient encouragé des avancées significatives, la lutte contre le gaspillage alimentaire nécessite une approche plus proactive de la part des industriels. Cela passe par une optimisation de la production pour aligner les volumes avec la demande réelle, réduisant ainsi les excédents à la source. Parallèlement, une sensibilisation accrue des consommateurs aux dates de péremption et à la gestion des denrées pourrait limiter les retours inutiles. Enfin, une collaboration renforcée entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire permettrait de développer des solutions mutualisées et durables.
Une évolution encore incomplète
Le gaspillage alimentaire est un défi complexe, et si la législation a joué un rôle clé dans l’éveil des industriels, il reste encore beaucoup à faire. Pour que la transition vers une industrie alimentaire durable soit complète, les initiatives doivent aller au-delà des obligations légales et s’inscrire dans une démarche sincère de responsabilité environnementale.
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